CfP: Watercolour & Weather, 1750–1850

Colloque international, Musée cantonal des Beaux-Arts Lausanne, 5-6 juin 2025

Parallèlement à une résurgence de la peinture de paysage, la période 1750-1850 a été marquée par un intérêt accru pour les variations météorologiques dans l’art européen, non seulement pour les états momentanés de l’atmosphère (ciels nuageux, éclairs), mais également pour l’étude et la compréhension de ces phénomènes. Outre les événements spectaculaires fréquemment représentés, telles les tempêtes, cette période développa ainsi une observation fine des changements climatiques plus subtils, donnant l’occasion aux artistes de combiner des effets de lumière variés. Ces préoccupations concernent à la fois les peintres britanniques les plus célèbres (Joseph Mallord William Turner, John Constable, Alexander et John Robert Cozens), mais aussi d’autres figures aux origines plus diverses, tels Giovanni Battista Lusieri, Caspar David Friedrich, et Abraham Louis Rodolphe Ducros.

Conjointement à cette évolution artistique, la période étudiée a également vu se développer la météorologie et la climatologie en tant que disciplines scientifiques. Ceci conduisit non seulement à la célèbre classification des nuages de Luke Howard (1804), restée en vigueur jusqu’à aujourd’hui, mais aussi à la théorisation de l’effet de serre par Joseph Fourier en 1824. Dans cet environnement culturel, une nouvelle prise de conscience de l’atmosphère voit le jour, dont les préoccupations environnementales actuelles au sujet du climat sont les héritières.

L’étude des nuages de Luke Howard s’appuyant sur des dessins de formations nébuleuses à l’aquarelle montre que la multiplication des images à caractère météorologique dépassait le domaine de la peinture de paysage pour s’étendre aux travaux scientifiques. Les architectes n’étaient pas en reste : Pierre François Léonard Fontaine, connu pour son rôle dans les projets napoléoniens, choisit de couvrir d’un ciel orageux un dessin pour son projet de cimetière monumental à Montmartre (Paris, ENSBA, PC 82161) ; et sur la vue en coupe de la Banque d’Angleterre de Sir John Soane par Joseph Gandy (Londres, Sir John Soane’s Museum, P267) des rayons de soleil percent les nuages pour venir éclairer le bâtiment. Ces œuvres tendent à montrer que l’aquarelle – avec les techniques proches telles que le dessin au lavis, la gouache et l’eau-forte aquarellée – constituait un médium privilégié, facile d’utilisation, pour l’exploration picturale des phénomènes météorologiques par des personnes issues d’horizons disciplinaires variés. Utilisée aussi par les peintres professionnels, l’aquarelle pouvait être une étape dans le processus de création d’une œuvre à l’huile, dans le cadre de l’observation en extérieur. La technique aqueuse est en effet idéale pour capter un moment fugace sur le vif et rendre compte avec précision des variations atmosphériques. Que montre la comparaison entre les esquisses à l’aquarelle et celles à l’huile ou au pastel ? Quelles contraintes ou possibilités sont offertes par le passage d’un médium à un autre ?

Ainsi les rapports entre la technique de l’aquarelle et les variations atmosphériques, souvent envisagés uniquement sous l’angle des plus célèbres paysagistes britanniques, soulèvent encore plusieurs questions que nous souhaiterions poser dans une perspective transnationale, en les ouvrant aux artistes européens, mais aussi non occidentaux. Comment expliquer, par exemple, l’intérêt soudain d’Abraham Louis Rodolphe Ducros pour des ciels de plus en plus dramatiques vers 1790, et quel impact son travail a-t-il exercé sur ses jeunes contemporains ? De même, quels dialogues émergent entre l’artiste indien Sita Ram et les peintres britanniques qui ont travaillé à l’aquarelle ? Quel rôle attribuer aux échanges d’idées et d’œuvres d’art dans le cadre du Grand Tour ou d’autres voyages ?

Ce colloque tentera d’aborder certaines de ces questions, en suivant des axes de recherche qui pourront s’inscrire, sans s’y limiter, dans les thématiques suivantes :

  • Développement et évolution de l’intérêt des artistes pour les phénomènes météorologiques entre 1750 et 1850 au regard des spécificités de la technique de l’aquarelle (ou le dessin au lavis, la gouache, la gravure aquarellée).
  • Convergences ou divergences entre la pratique de l’aquarelle et le développement de la météorologie en tant que science.
  • Représentations de conditions météorologiques hors du champ de la peinture paysagère, par exemple dans des aquarelles produites par des scientifiques, architectes ou amateurs.
  • L’évolution de la sensibilité des peintres pour les phénomènes météorologiques, y compris leur intérêt ou leur familiarité avec des événements particuliers.
  • Comparaison entre les représentations de phénomènes météorologiques dans diverses techniques picturales (l’aquarelle, la peinture à l’huile, le pastel), et entre la pratique en plein air et celle en atelier.
  • Conditions météorologiques et (traces d’une) présence humaine au sein du paysage.
  • Dans une perspective culturelle plus large (notamment la littérature), liens entre la représentation des phénomènes météorologiques à l’aquarelle et les émotions.
  • Les continuités et/ou les distinctions entre les vues topographiques/vedute et celles intégrant des phénomènes météorologiques, notamment en ce qui concerne les notions d’« objectivité » ou de « subjectivité » dans la représentation.
  • Contributions des artistes femmes à l’exploration picturale des conditions météorologiques.
  • Impact éventuel sur la peinture à l’aquarelle des connaissances maritimes et des préoccupations des marins concernant les conditions météorologiques.

Ce colloque est organisé dans le cadre d’un projet de recherche et d’enseignement plus large, mené par les Universités de Lausanne et de Genève et portant sur l’aquarelliste suisse Abraham Louis Rodolphe Ducros, dont la collection personnelle constitue le noyau originel du Musée MCBA de Lausanne. Une présentation et consultation d’une sélection de ces œuvres seront organisées pendant le colloque.

Le colloque aura lieu les 5 et 6 juin 2025 au Musée MCBA de Lausanne. Nous nous réjouissons de recevoir des propositions (max. 400 mots) pour des communications de 20 minutes jusqu’au 15 juin 2024 aux adresses suivantes : berangere.poulain@unige.ch et desmond-bryan.kraege@unil.ch. L’hébergement à Lausanne sera pris en charge, ainsi que le remboursement des frais de voyage en Europe. L’anglais sera la langue principale du colloque, mais les interventions en français seront également bienvenues. Une publication des actes du colloque est prévue. Des informations actualisées concernant le colloque seront disponibles sur https://www.unige.ch/watercolourandweather.

  • Comité d’organisation
    • Bérangère Poulain, Université de Genève
    • Desmond Kraege, Université de Lausanne
  • Comité scientifique
    • Basile Baudez (Princeton University)
    • Jan Blanc (Université de Genève)
    • Werner Busch (Freie Universität Berlin)
    • Ketty Gottardo (The Courtauld Gallery, London)
    • Catherine Lepdor (Musée cantonal des beaux-arts Lausanne)
    • Camille Lévêque-Claudet (Musée cantonal des beaux-arts Lausanne)
    • Constance McPhee (The Metropolitan Museum of Art, New York)
    • Christian Michel (Université de Lausanne)
    • Perrin Stein (The Metropolitan Museum of Art, New York)
    • Victor Plahte Tschudi (AHO Oslo School of Architecture and Design)