De l’observation isolée au savoir partagé

Projet du Fonds National Suisse 2015-2018

De l’observation isolée au savoir partagé: négociations discursives et construction du véritable invisible dans les sciences naturelles entre 1740 et 1840

La naissance de la science microscopiste et de l’intérêt pour les formes de vie invisibles à l’œil nu (bactéries, infusoires, micro-organismes animaux et végétaux) trouve ses origines à la fin du XVIIe siècle. Avant que ne puissent surgir, dans le courant du XIXe siècle, des sciences spécialisées basées sur des méthodes précises et des langages formels, il a fallu  une période d’adaptation aux nouveaux objets que l’on avait sous les yeux. Tout au long du XVIIIe siècle, les naturalistes tentent d’imposer une compréhension de ces productions inédites, inventent des mots pour en parler, cherchent leur signification.

Sur la base d’un corpus de textes théoriques, d’observations publiées, mais également de nombreux manuscrits (correspondances, carnets de laboratoire, notes diverses, brouillons) conservés au Muséum d’histoire naturelle de Paris, à l’Académie des sciences et à la Bibliothèque de Genève, ce projet a pour but d’explorer la manière dont les savants élaborent cette nouvelle catégorie, sur les plans cognitifs et discursifs. Le système et la langue classificatoires qui se développent dans ces années permettent de résoudre un certain nombre de problèmes relatifs à l’identification et à la nomination de ces objets invisibles dans un langage aussi neutre que possible. Mais parallèlement, dans le champ expérimental, le passage de l’observation au discours pose des problèmes qui dépassent largement la question de l’identification : comment élaborer la description qui permettra de reconnaître un objet observé parfois de manière aléatoire ? Comment le transformer en objet de connaissance ? Comment l’interpréter ? Toute une rhétorique de l’invisible est ici en acte, où se mêlent des modèles profondément ancrés depuis Leeuwenhoek, des tentatives de lier l’observation à une conception plus générale de la vie et de la matière (spontanéisme notamment) ou encore une fascination évidente pour le nouveau spectacle qu’offre ce pan inconnu de la nature.

Responsables : Nathalie Vuillemin (UniNe), spécialiste de l’histoire des discours scientifiques au XVIIIe siècle, et Marc Ratcliff (UniGe), historien des sciences spécialiste de l’histoire de la microscopie.

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